La ciguatera ne vous dit sûrement rien. Peu étudiée dans nos contrées, cette intoxication commence à faire parler d’elle en Europe après que les cas de malades se sont multipliés ces derniers mois, alertent des chercheurs allemands dans Sciences et avenir.
Dans les zones tropicales, le problème n’est pas nouveau. L’explorateur anglais James Cook l’aurait déjà vérifié au XVIIIe siècle. Tout part d’une algue, la Gambierdiscus toxicus. Courante dans les eaux chaudes des récifs coralliens, cette plante peut se développer après le passage d’un cyclone ou de la main de l’homme qui construit sur les littoraux par exemple. Abîmés, les coraux blanchissent et meurent, puis voient affluer des macro-algues qui sont broutées par des petits poissons herbivores. La chaîne alimentaire fait le reste : ces poissons herbivores sont mangés par de plus gros poissons carnivores, qui sont à leur tour pêchés et mangés par l’homme.
Nausées, grosses fatigues
Zinfos 974, site d’information de l’île de La Réunion, relatait en mars dernier la mésaventure d’un pêcheur local touché par la ciguatera. Nausées, diarrhées, grosses fatigues, inversion des sensations de chaud et de froid : les symptômes sont faciles à repérer, contrairement aux signes extérieurs de présence de la maladie, indétectables pour l’homme. Même cuit, le poisson conserve la toxine intacte. Et les conséquences à long terme peuvent parfois être irréversibles, puisque des cas de paralysie et de coma ont déjà été observés.
Si à La Réunion les quelques exemples restent rares et ont surtout permis de justifier la chasse au requin, le phénomène est beaucoup plus préoccupant en Polynésie, où des milliers de personnes sont touchées chaque année. « 350 cas officiels par an » sont dénombrés à Tahiti et ses environs, estimait l’été dernier Mireille Chinain, chef du laboratoire des micro-algues toxiques à l’Institut Malardé, dans une interview au journal Tahiti Infos. « Mais on pense que ce chiffre devrait être multiplié par deux, voire cinq. »
Pas de traitement
Avec le réchauffement climatique, la toxine se multiplierait dans les eaux situées plus au nord, comme les îles Canaries récemment. En France, ce sont surtout des cas « importés » des Dom-Tom qui sont responsables de la propagation : le tourisme – et les échanges qu’il implique – n’est évidemment pas sans conséquences. En l’absence de traitement, les experts conseillent avant tout aux locaux de repérer les poissons herbivores qui broutent les macro-algues responsables de l’intoxication.
En France comme en Europe, l’intérêt porté à la ciguatera reste limité, même si un programme créé par des chercheurs européens, nommé « Eurocigua », tente désormais d’identifier les cas d’intoxication.
Au Belize, à la mi août 2017, les responsables de la santé ont notifié avoir enquêté sur au moins 10 cas d’intoxication alimentaire à la ciguatera. L’enquête sur ces cas a permis d’identifier que les poissons consommés étaient des barracuda (Sphyraena barracuda) achetés chez un vendeur de poissons à ladyville, dans le disctrict de Belize.
Le poisson provenait de la région des îles de Turneffe.
Plus de 400 espèces de poissons, ont été impliqués dans cette maladie alimentaire qui est relativement fréquente dans plusieurs régions du monde.
La ciguatera est une forme particulière d’ichtyosarcotoxisme, c’est-à-dire une intoxication alimentaire par la chair de poissons contaminés par la microalgue benthique Gambierdiscus toxicus, présente dans les récifs coralliens. Comme de nombreuses toxines naturelles et artificielles, la ciguatoxine, une neurotoxine, s’accumule dans les organismes et sa concentration augmente au fur et à mesure que l’on monte les échelons de la chaîne alimentaire. Parmi les 400 espèces potentiellement infectées, les grands poissons prédateurs comme le barracuda, la murène, le mérou ou encore les carangues sont les plus susceptibles de provoquer un empoisonnement.
La répartition géographique s’étend entre le 35ème parallèle nord et le 35ème parallèle sud, sur une ceinture circumtropicale englobant l’ensemble des régions coralliennes (Pacifique, Caraïbes et Antilles, Océan Indien). Plusieurs régions françaises des départements et territoires d’Outre-Mer sont concernées par le phénomène : Réunion, Guadeloupe, Martinique, Nouvelle-Calédonie et Polynésie.
Le diagnostic est donc présomptif : en zone d’endémie, c’est la survenue de symptômes compatibles avec une intoxication dans les suites d’un repas de poisson connu pour être potentiellement ciguatoxique :
- Signes généraux : myalgies, arthralgies, prurit, éruptions cutanées, hypersudations
- Signes digestifs : douleurs abdominales diffuses, nausées, vomissements, hoquet ;
- Signes neurologiques : ataxie cérébelleuse, céphalées, troubles du sommeil, syndrome dépressif, hallucinations visuelles, paresthésies, atteintes des nerfs crâniens, coma ;
- Signes cardio-vasculaires : baisse du rythme cardiaque (bradycardie), hypotension artérienne, troubles du rythme.